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Des injections qui prennent tout leur sens – vivre avec le diabète de type 1 en Chine

Les personnes atteintes de diabète de type 1 en Chine ne connaissent que trop bien les difficultés d'accès aux soins de santé et la discrimination sociale.



A 9-year-old boy injects insulin at his home
Un garçon de 9 ans s'injecte de l'insuline chez lui à Linfen, dans la province du Shanxi, le 2 août 2016. Chen Wei / VCG

Cet article sur la vie avec le diabète de type 1 en Chine a été initialement publié sur Sixth Tone. Les rédacteurs en chef de Sixth Tone et l’auteur, Ni Dandan, nous ont généreusement autorisés à le reproduire ici.

Guandong, Chine – Zhong Jianhua est enjouée, volubile et énergique. Mais lorsqu’elle se retrouve seule, elle se sent souvent déprimée. Dans sa ville natale de Heyuan, la plupart des femmes de son âge sont déjà mariées et ont des enfants. La comptable de 29 ans entretenait une relation stable avec son ex-compagnon depuis plusieurs années, mais ils ont rompu en 2016. Zhong attribue leur séparation à la maladie, qu’elle avait dissimulée pendant 17 ans. « Lorsque sa famille a appris que je souffrais de diabète de type 1, elle a mis un terme à notre relation », explique Zhong. « Je leur ai assuré qu’il était extrêmement improbable que je transmette la maladie à mes enfants, mais ils étaient effrayés par le fait que je doive me faire des injections tous les jours. »

Les personnes atteintes de diabète de type 1 sont incapables de produire de l’insuline, l’hormone qui contrôle le taux de glycémie de l’organisme. Le diabète de type 1 est rare – seulement 5 à 10 % des personnes atteintes de diabète dans le monde le développent – et est généralement diagnostiqué à l’enfance ou à l’adolescence. Il est également plus mortel que le diabète de type 2, qui affecte principalement les personnes âgées et en surpoids. Si la plupart des patients atteints du type 2 affichent des niveaux d’insuline bas, mais stables, et n’ont pas besoin de surveiller constamment leur taux de glycémie, les personnes atteintes de diabète de type 1 doivent en revanche ajuster constamment leur alimentation et leur activité physique, et s’auto-injecter de l’insuline leur vie durant.

D’après une étude publiée (BMJ) par des endocrinologues chinois en janvier dernier dans le British Medical Journal (BMJ), la Chine compte chaque année plus de 13 000 nouveaux cas de diabète de type 1. Pour une raison inconnue, le diabète de type 1 est resté relativement rare en Chine : en 2011, six Chinois de moins de 14 ans sur un million l’ont développé, contre 237 par million pour les Américains et 245 par million pour les Britanniques.

La Chine n’a commencé à établir une base de données nationale des patients atteints de diabète de type 1 qu’en mai 2014, dans le cadre d’un projet dirigé par Weng Jianping – le professeur à la tête de l’étude publiée dans le BMJ. Il n’existe toujours aucun chiffre officiel quant au nombre total de personnes atteintes de la condition, mais Zeng Xifeng, fondateur d’une importante communauté en ligne de patients atteints de diabète de type 1 appelée « Tangtangquan », estime qu’il s’élèverait à plus d’1 million. « Bon nombre de cas ne sont pas diagnostiqués », affirme-t-il.

Selon une enquête menée par la Société chinoise du diabète, un tiers des patients atteints de diabète de type 1 en Chine déclarent lutter en permanence contre l’anxiété. Un autre tiers de répondants affirme souffrir de dépression.

L'autogestion est essentielle pour ces patients – c'est véritablement une question de vie ou de mort. Malheureusement, le gouvernement ne faisait aucun effort pour leur venir en aide.
Zeng Xifeng, fondateur d'une importante communauté en ligne de patients atteints de diabète de type 1

Lorsque sa fille Niuniu est née avec le diabète de type 1 il y a sept ans, Zeng – ingénieur nucléaire de profession – ignorait tout de la condition. Il a passé six mois atroces à courir entre les hôpitaux de Guangzhou et de Shenzhen, à voir les taux de glycémie Niuniu monter en flèche puis dégringoler sans pouvoir rien y faire, et à se battre pour établir un lien avec sa petite fille dans l’unité de soins intensifs néonatals.

« Au début, les médecins ne parvenaient pas à poser un diagnostic précis », se rappelle Zeng. « Je me suis moi-même renseigné sur la condition dans la littérature médicale. J’ai même envoyé des prélèvements génétiques [de Niuniu] à un laboratoire du Royaume-Uni pour analyse. Les hôpitaux chinois ont une expérience très limitée de la prise en charge de bébés nés avec le diabète. »

Lorsque Niuniu est née, il y avait très peu d’informations disponibles sur le diabète de type 1 en Chine, déclare Zeng. « Le personnel infirmier de l’hôpital expliquait aux patients atteints de diabète de type 1 certaines choses auxquelles ils devaient rester attentifs, mais l’aide apportée était extrêmement limitée », explique-t-il, en ajoutant que l’on apprenait rarement aux patients à contrôler leur taux de glycémie. « L’autogestion est essentielle pour ces patients – c’est véritablement une question de vie ou de mort. Malheureusement, le gouvernement ne faisait aucun effort pour leur venir en aide. »

Zeng a décidé par la suite d’en apprendre davantage sur le diabète de type 1 et de sensibiliser le public à la condition. En octobre 2015, il a lancé son application mobile Tangtangquan, qui permet aux personnes atteintes de diabète de type 1 de saisir des données concernant leur alimentation et leur activité physique. L’application estime ensuite leur taux de glycémie et calcule la quantité d’insuline à injecter pour rester en bonne santé. Aujourd’hui, l’application compte plus de 10 000 utilisateurs actifs.

« Des taux de glycémie volatils peuvent mettre la vie du patient en danger : s’ils sont trop élevés, vous développez une acidocétose diabétique », explique Zeng, faisant référence à une complication du diabète grave et potentiellement mortelle. « S’ils sont trop bas, vous pouvez vous retrouver en état de choc. Dans les deux cas, le pronostic vital est engagé. »

Parent checking blood glucose of child

Zhong, la comptable, est consciente de l’importance d’un traitement adéquat. Elle a été diagnostiquée en 2001, alors qu’elle était en CM2. À l’époque, sa famille savait peu de choses au sujet de la maladie – et il en allait de même pour les médecins de l’hôpital local.

Les médecins ont donné à Zhong les mêmes injections d’insuline prémélangée qu’ils administraient aux personnes atteinte de diabète de type 2. Or l’insuline prémélangée n’est pas adaptée aux personnes atteintes de diabète de type 1, qui ont besoin d’un traitement à action rapide et flexible pour faire face aux fluctuations de leur déficit en insuline.

Dans le cas de Zhong, les conséquences ont été terribles. « Une nuit, dans le dortoir du collège, je me suis retrouvée dans l’incapacité de bouger », se souvient-elle. Lorsqu’elle est arrivée à l’hôpital, sa glycémie n’était plus que de 25 milligrammes par décilitre – environ un tiers du taux normal. « Je me souviens encore avoir eu l’impression d’être paralysée », explique-t-elle. « J’entendais tout ce qui se passait autour de moi, mais je ne pouvais pas ouvrir la bouche ni les yeux. » À ce jour, Zhong ne sait toujours pas exactement quel traitement elle a reçu. Mais heureusement pour elle, cet épisode ne semble pas avoir causé de lésions durables.

Les fluctuations du taux de glycémie font qu’il n’existe pas de traitement universel pour les personnes atteintes de diabète de type 1. Pourtant, de nombreux médecins chinois ne disposent pas de l’expérience nécessaire pour aider les personnes souffrant de la condition à surveiller leur taux de glycémie et à le maintenir dans une fourchette appropriée. Liu Hongyan, consultante médicale pour Tangtangquan qui a travaillé par le passé en tant qu’endocrinologue à Guangzhou, explique que la plupart des patients qu’elle suivait avaient le type 2 – une forme beaucoup plus courante et facile à contrôler de la condition.

« La gestion du taux de glycémie des patients atteints de diabète de type 1 est compliquée. Des problèmes surgissent à certains stades [de la vie], comme la puberté », explique Liu, faisant allusion à la difficulté de maintenir une routine de traitement alors que les hormones et les habitudes connaissent des fluctuations. « Ces patients ont besoin des conseils réguliers de professionnels. Il leur est impossible d’acquérir les connaissances appropriées à l’hôpital.

Zhong a rejoint la communauté Tangtangquan en 2014. Dès cet instant, elle a commencé à en apprendre davantage sur le diabète de type 1 et a pris conscience qu’elle n’était pas la seule à se battre contre cette condition. Un peu plus tard dans l’année, après avoir discuté avec d’autres membres de la communauté, elle a cessé de prendre de l’insuline prémélangée.

Depuis l’enfance, Zhong souffre tant sur le plan psychologique que physique. Zhong explique qu’enfant, elle s’est souvent sentie anormale : le diabète était perçu comme une maladie contractée par des personnes plus âgées, pas des enfants. « Chaque fois que j’étais hospitalisée, j’entendais le personnel infirmier chuchoter « Quelle pitié ! Elle est tellement jolie et devra vivre toute sa vie avec la maladie ! » ». Zhong se souvient, ajoutant que ses parents lui offraient un bien faible soutien émotionnel : « Je me sentais tellement honteuse. À l’époque, mes parents ne savaient pas que s’ils m’avaient simplement réconfortée en me disant « Ce n’est pas ta faute, tu es juste malade », cela m’aurait beaucoup aidée. »

Zhong était une excellente élève durant ses années de primaire et de secondaire inférieur. Si ses professeurs étaient au courant de son diabète, Zhong a en revanche toujours caché sa condition à ses camarades de classe. Tandis que les autres enfants se précipitaient dans la cour de récréation pour s’adonner au sport, elle restait subrepticement en arrière pour se faire une injection d’insuline dans la salle de cours. À l’heure du déjeuner, elle se réfugiait dans un coin calme pour s’administrer une autre dose.

Les résultats scolaires Zhong ont commencé à chuter au lycée et elle n’a finalement pas été admise à l’université. « Durant mes années de lycée, je pensais en permanence au diabète – comment le dissimuler à mes camarades de classe, ce qui se passerait si je ne pouvais pas manger la même chose qu’eux, à quel endroit je ferais ma prochaine injection », explique-t-elle.

Zhong Jianhua poses for a photo while wearing her insulin pump.

Ces dernières années, les applications de réseaux sociaux ont permis à Zhong d’entrer en contact avec d’autres jeunes atteints de diabète de type 1. De nombreux utilisateurs partagent des conseils concernant le contrôle de leur taux de glycémie. Zhong est aujourd’hui convaincue qu’elle peut mener une vie normale et épanouie malgré la maladie. « J’ai partagé mes expériences et j’ai reçu des retours très positifs de nombreuses personnes », dit-elle. « J’espère pouvoir contribuer à améliorer la sensibilisation à cette maladie et encourager plus de gens à sortir de l’ombre. »

La route est toutefois parsemée d’embûches. En Chine, tous les candidats à l’admission dans des établissements d’enseignement supérieur doivent se soumettre à un examen physique. Or les directives nationales stipulent que les établissements peuvent rejeter des candidats souffrant de troubles endocriniens graves, dont le diabète de type 1. Les candidats fonctionnaires font face à des formes similaires de discrimination : les personnes présentant une maladie endocrinienne telle que le diabète ne remplissent pas les conditions exigées pour la plupart des fonctions.

En outre, le système d’assurance médicale national chinois ne couvre pas les équipements médicaux essentiels pour les patients atteints de diabète de type 1, comme les kits de test de la glycémie et les seringues. Zeng estime qu’une personne dépense en moyenne autour de 2 500 yuans (380 USD) par mois en fournitures médicales. À Heyuan, la ville natale de Zhong, le revenu mensuel moyen était d’un peu plus de 5 000 yuans l’an dernier.

La stigmatisation sociale du diabète est également tenace. « J’ai entendu parler d’enfants rejetés par les écoles maternelles, d’étudiants poussés par les universités à arrêter leur cursus et de personnes ayant perdu leur emploi, simplement parce qu’ils ont le diabète de type 1 », déclare une patiente qui a demandé à garder l’anonymat car ses amis et ses collègues ne sont pas au courant de sa condition. « J’ai choisi de cacher mon état car je n’ai pas le choix. Cela n’a rien à voir avec le fait que nous ne soyons pas assez solides ; la vie ne nous ménage pas, tout simplement. »

Zeng a eu la chance de trouver une école maternelle publique à Shenzhen disposée à accueillir Niuniu malgré sa condition. « Bien que les enseignants soient au courant de son diabète, ils ne savent pas réellement comment prendre soin d’elle », explique Zeng. Il se rend donc deux fois par jour à l’école maternelle pour faire lui-même les injections d’insuline de Niuniu. Ses efforts permettent à sa fille de mener une vie normale et en bonne santé.

Zeng souhaite dissiper la crainte et l’incompréhension qui entourent le diabète de type 1 et rendre publics des exemples positifs de célébrités qui ont réussi dans la vie malgré la maladie – comme la défunte actrice américaine Mary Tyler Moore, qui a vécu jusqu’à l’âge de 80 ans. Il anime une émission radiophonique en ligne via Tangtangquan, qui offre aux patients une plateforme de partage de leurs expériences. « Le soutien que leur offrent leurs pairs compte beaucoup pour eux », explique-t-il.

De son côté, Zhong espère décrocher un jour un emploi dans une société pharmaceutique qui produit des médicaments et des équipements pour les personnes atteintes de diabète de type 1. Deux ans après sa précédente relation amoureuse, un autre prétendant lui fait aujourd’hui des avances. Ses anciennes inquiétudes sont toujours présentes – il est un peu plus jeune qu’elle et elle a peur que sa famille la rejette également – mais Zhong se sent en paix avec elle-même et sa condition. « Lorsque vous réalisez que votre existence signifie beaucoup pour votre entourage, vous commencez à prendre confiance en vous et à avoir des souhaits pour l’avenir. », explique-t-elle.

Désormais, son diabète n’est plus un secret..

Merci à l’auteur, Ni Dandan, et au rédacteur en chef, Matthew Walsh, pour avoir partagé cet article important.  L’article original (en anglais) est disponible ici.

A dinner prescribed for a person with diabetes

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