Nouvelles et informations présentées par la Fédération internationale du Diabète

En Argentine, l’éducation au diabète en groupe change des vies

En Argentine, près de 800 personnes atteintes de diabète de tous âges et leurs familles se réunissent une fois par an pour s'informer sur le diabète lors d'événements organisés par la Federación Argentina de Diabetes (FAD).



FAD group photo Argentina

Chaque année, pendant quatre jours consécutifs, près de 800 personnes de tous âges et leurs familles se réunissent pour vivre ensemble et recevoir une éducation au diabète dans le cadre de réunions organisées par la Federación Argentina de Diabetes (FAD).

Pourquoi les personnes atteintes de diabète qui ont reçu les informations et savent quoi faire pour gérer efficacement leur maladie depuis des années ne parviennent-elles pas à atteindre leurs objectifs thérapeutiques ? Qu’est-ce qui les pousse à chercher une éducation lorsqu’elles n’utilisent pas l’insuline comme requis, ne respectent pas leurs plans de repas, ne font pas d’activité physique et ne réussissent pas à autosurveiller leur glycémie ? Comment expliquer que le taux de réalisation des objectifs thérapeutiques soit si bas alors qu’il existe un large éventail d’options dans l’arsenal pharmaceutique, que les méthodes d’autosurveillance sont de plus en plus confortables et qu’il existe tant de programmes d’éducation continue au diabète ?

La réponse à toutes ces questions se trouve peut-être au départ dans le fait que les médecins sont intimement convaincus que les approches pharmacologiques ont plus de valeur que les autres, qui sont à peine abordées lors des études universitaires de premier cycle. Principal responsable de son traitement, la personne atteinte de diabète peut très bien comprendre les mesures indispensables pour atteindre les objectifs thérapeutiques, mais les applique à contrecœur en raison de ce que j’aime appeler les soins médicaux « de la vieille école » — dans le cadre desquels le patient est habitué à voir le médecin fixer les objectifs et à y obéir sans discuter.  Cette vision est généralement couplée à un partage confortable des responsabilités, en vertu duquel le thérapeute endosse la responsabilité des succès et le patient des échecs.

De nos jours, tous les aspects étant régis par un protocole et les données probantes concernant les traitements étant régulièrement examinées et diffusées à grande échelle, nous supposons que la différence entre le succès et l’échec peut tenir au fait que l’on ne tient aucun compte du fait que le diabète est supporté par un individu, une personne qui devra vivre avec — en l’état actuel de la science — toute sa vie et dont le destin est désormais à tout jamais lié à son degré d’acceptation et à sa capacité à mener une vie optimale avec. Les mythes, les craintes et les idées préconçues constituent généralement le principal écueil à surmonter avant d’adopter un traitement. La réalisation de l’objectif d’un contrôle adéquat du diabète passe par une première étape inéluctable : la motivation. Peu importe que nous prescrivions une pharmacothérapie de pointe, mettions en place un plan de repas et un programme d’activité physique optima ou « inondions » le patient de brochures, de sermons et de conseils : si le bénéficiaire de nos efforts ne reçoit pas les encouragements nécessaires, nous échouerons.

Dans un tel contexte, l’éducation en groupe apparaît comme un précieux outil thérapeutique.

Apprendre ensemble à vivre avec le diabète

Le mois d’août est arrivé. Paulina et Camila sont deux amies de 8 ans originaires d’une petite ville de la province de Cordoba, en Argentine. Elles vont retrouver Ana, Valentina et Marcos, des enfants du même âge provenant de diverses régions éloignées. La même bande que l’année dernière. Sans doute retrouveront-ils également cet autre garçon, celui qui ne voulait pas s’injecter lui-même l’insuline au grand désespoir de sa mère, et qui a finalement osé le faire pour la première fois pendant ce repas, sous la supervision de cette gentille doctoresse, habillée, comme tous les autres, sans son tablier blanc.

Âgé de 16 ans, Diego a appris qu’il avait le diabète de type 1 il y a deux semaines. Il n’avait jamais imaginé que le diabète lui offrirait la chance de se faire des amis qui le comprennent mieux que quiconque et de remplacer la peur par des connaissances, de reprendre espoir grâce à la rencontre de tant de personnes atteintes de diabète qui mènent une vie longue et épanouie, comme Eduardo, 89 ans, ou Lilia, 86 ans, qui estiment avoir encore des choses à apprendre, en plus d’avoir l’excuse parfaite pour échapper à la routine quotidienne le temps d’un week-end.

Dans le cas de Jorge, Nicolás et Cecilia, qui souffrent de diabète de type 1 depuis l’adolescence, l’âge adulte les a vus venir en aide à leurs pairs en tant que professeurs d’éducation physique. Judit et Andrea, toutes deux mamans d’enfants atteints de diabète, ont décidé d’exprimer leur reconnaissance pour ce qu’elles ont reçu en devenant un autre maillon de la chaîne de soutien émotionnel pour les familles qui se lancent dans l’art difficile de la positivité.

Âgées d’une soixantaine d’années, Alba, Teresa et Susana montrent autant d’enthousiasme à stocker leur metformine et leurs flacons d’insuline dans leur sac qu’à préparer les costumes pour la soirée du samedi soir.

Federico, qui estime avoir appris énormément de choses lorsqu’il n’était encore qu’un jeune garçon, aura l’honneur de porter pour la première fois la casquette de coordinateur de son groupe.

Carlos, Marcela, Zulema et Lidia, parmi près d’une vingtaine d’autres, ont laissé leur tablier blanc dans leur cabinet médical, mais pas leur vocation ni leur esprit de solidarité, et respectent l’engagement qu’ils ont pris sur l’honneur.

Depuis sa création en Argentine il y a 45 ans d’ici, la Federación Argentina de Diabetes (FAD) fait en sorte de développer des activités éducatives en groupe dans une ambiance détendue, offrant la possibilité d’interagir avec d’autres personnes confrontées à la même expérience. La FAD est une ONG constituée d’associations de patients, soutenue par un comité scientifique composé d’une équipe pluridisciplinaire de professionnels de la santé.

La vie avec le diabète est une expérience qui peut difficilement être extrapolée, rappelons-le. En effet, seules les personnes atteintes de diabète comprennent réellement et ressentent dans leur propre chair ce que signifie l'injection quotidienne d'insuline, et la nécessité de surveiller de près leur glycémie et de prendre les mesures correspondantes.

Autonomisation

Convaincue de l’importance des groupes d’autogestion en tant qu’outil thérapeutique, la FAD encourage leur création et sert de lien avec différentes entités privées et publiques concernant les activités liées à l’éducation, à la qualité de vie et à l’égalité des conditions pour toutes les personnes atteintes de diabète.

Parmi ces activités, sa réunion annuelle se détache tout particulièrement. Près de 800 participants issus de tout le pays et de tous âges participent à cet événement, pendant lequel ils vivent ensemble pendant quatre jours dans un établissement touristique situé au centre du vaste territoire argentin afin de faciliter l’accès à tous. Différentes délégations, issues pour certaines de villes peuplées et pour d’autres de petites villes rurales, viennent enrichir cet événement avec leurs coutumes diverses et leurs accents régionaux. Tous se réunissent dans l’objectif d’apprendre dans un contexte de camaraderie et une atmosphère détendue.

Des ateliers portant sur différents thèmes sont organisés par groupes, constitués en fonction du type de diabète et de l’âge, en plus des groupes destinés aux membres des familles. Un médecin spécialiste est mis à la disposition de chaque groupe, les sujets sont adaptés aux participants et deux coordinateurs se chargent d’enregistrer les lectures de glycémie de chaque participant et de les informer des activités de la journée, en plus d’offrir un soutien important. L’équipe de coordinateurs des 19 groupes constitués est en grande partie composée de personnes qui ont un jour été des enfants ou des adolescents atteints de diabète et qui ont participé à des événements passés, ainsi que de dirigeants des associations qui composent la FAD.

S’inspirer les uns sur les autres

Un médecin peut montrer la direction à suivre, mais il est toujours plus facile pour un individu atteint de diabète d’avancer sur cette voie si quelqu’un l’a fait avant lui, avec succès. Il pourra calquer son attitude sur celle de l’autre et corriger ses erreurs en échangeant des informations, avec le soutien d’un professionnel de la santé. Le sentiment d’être soutenu, compris et écouté par un pair lui aussi atteint de diabète présente une réelle valeur ajoutée dans le processus d’apprentissage de la vie avec la maladie.

Chaque groupe partage une table pendant les repas, ce qui présente un avantage particulier pour les enfants et les adolescents qui, pour la première fois parfois, peuvent autosurveiller leur glycémie et s’injecter ouvertement de l’insuline, et ainsi partager cette expérience avec des personnes qui posent les mêmes actes au quotidien. C’est ainsi que cette expérience personnelle, parfois réalisée en cachette par crainte du rejet social, se transforme en un moment vécu plus naturellement.  Les enfants, qui représentent généralement des cas isolés de diabète au sein de leur école, se font de nouveaux amis qui prennent de l’insuline comme eux. Une adolescente pourra avoir une conversation avec une femme plus âgée qui a réussi à tomber enceinte et à avoir des enfants de manière satisfaisante.

Toute personne récemment diagnostiquée peut rencontrer des gens qui ont appris à vivre avec le diabète depuis des années.

De jeunes enfants surprennent leurs parents en leur montrant qu’ils peuvent « déjà s’injecter de l’insuline et autosurveiller leur glycémie comme les autres enfants du groupe ». La rencontre de personnes plus âgées qui ont traversé les années avec le diabète est un encouragement pour eux. Quant à ces adultes qui doivent finalement s’injecter de l’insuline mais reportent l’échéance par crainte, ou confient le soin à d’autres de faire les injections, ils sont involontairement inspirés et encouragés en voyant la facilité avec laquelle les enfants le font.

Lorsqu’un nouveau traitement doit être initié, l’expérience d’une personne qui s’est déjà lancée et en a retiré des avantages joue un rôle déterminant dans l’acceptation et le respect du traitement. Au-delà de la confiance que les patients placent dans leur médecin, « mordre dans un piment étant plus révélateur que la plantation de tout un champ », le principe selon lequel l’expérience personnelle constitue le meilleur enseignement qui soit prévaut instinctivement.

La vie avec le diabète est une expérience qui peut difficilement être extrapolée, rappelons-le. En effet, seules les personnes atteintes de diabète comprennent réellement et ressentent dans leur propre chair ce que signifie l’injection quotidienne d’insuline, et la nécessité de surveiller de près leur glycémie et de prendre les mesures correspondantes. C’est la raison pour laquelle l’équipe de coordinateurs est essentiellement composée de membres du sous-comité des jeunes de la FAD qui vivent avec le diabète. Ils ont un jour été des enfants et des adolescents, ont participé à des événements passés et ont décidé de donner en retour tout ce qu’ils avaient reçu, avec la sensibilité supplémentaire d’avoir cette connaissance unique.

Les professionnels de la santé qui participent en tant qu’éducateurs et sont en charge des groupes sont sélectionnés au terme d’une évaluation stricte de leurs compétences prenant en compte leur pertinence, leur vocation pédagogique et le travail communautaire en place là où ils vivent. Tant les coordinateurs que les éducateurs, ainsi que l’équipe organisatrice de l’événement et les coordinateurs de groupes, offrent bénévolement leur temps et leurs efforts, avec pour seule récompense la satisfaction du travail bien fait, les étreintes reconnaissantes des participants et la promesse de se retrouver l’année suivante.

Ce type d’événement témoigne de l’importance de l’éducation en groupe en tant que ressource essentielle au respect du traitement, une stratégie que la FAD recommande avec insistance, année après année, de ne pas négliger.

 

Gabriel Lijteroff est spécialiste en médecine interne et titulaire d'une maîtrise en diabète. Il est chef du service de diabétologie de l'Hôpital S.T. de Santamarina, Monte Grande, à Buenos Aires (Argentine). Il est également directeur du comité scientifique et ex-président de la Fédération argentine du diabète (FAD), ainsi que membre du comité exécutif de gestion pour la région SACA de la FID 2018-2020.

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