Le mercredi 22 mai, la World Heart Federation et la Fédération internationale du diabète (FID) ont organisé un événement (voir le flux vidéo disponible ci-dessous) en marge de la 72e Assemblée mondiale de la santé (1) à Genève (Suisse). Des experts et des défenseurs du diabète ont partagé leurs expériences et leurs points de vue au sujet des MCV et du diabète lors d’un programme intitulé « Unir les forces pour lutter contre les MCV chez les personnes atteintes de diabète : quelles solutions ? » La discussion approfondie s’est concentrée sur l’objectif de développement durable (ODD) 3, « Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges », et la cible 3.4 – réduire de 30 % le taux de mortalité prématurée due à des MNT.
Le Dr Laurence S. Sperling, Directeur de l’Emory Heart Disease Prevention Center, représentait la WHF en tant que modérateur et a donné le ton en ce qui concerne la crise du diabète et des MCV : « Le diabète est bien plus qu’un facteur de risque de MCV. C’est une maladie vasculaire et cardiovasculaire. Bien que le diabète affecte le système microvasculaire (yeux, reins et nerfs), la plupart des personnes atteintes de diabète meurent de complications macrovasculaires, telles qu’une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral, une maladie vasculaire périphérique et une mort subite », a-t-il expliqué.
Pendant deux heures, les invités ont présenté des documents et discuté des réalités du paysage des soins de santé dans trois domaines principaux : les lacunes au niveau des soins coordonnées pour les MCV en cas de diabète dans le monde ; les problèmes associés au mode de vie et les contraintes liées aux déterminants sociaux ; et la priorité donnée par les pouvoirs publics aux politiques de santé publique développées dans le domaine de la prévention. Les intervenants ont avancé quelques pistes en vue de trouver des solutions.
Tous les participants ont reconnu l’urgence de mettre fin à l’épidémie du diabète et des MCV, en tant que principales causes de morbidité et de mortalité à travers le monde, en particulier dans les pays à faible et moyen revenu. Le Dr Sperling a présenté les conclusions de l’enquête Taking Diabetes to Heart de la FID, dont le but était d’évaluer la sensibilisation des personnes atteintes de diabète de type 2 aux MCV. Les résultats révèlent que les gens sous-estiment le risque ou n’en ont pas conscience.
Le Dr Brett Giroir, Secrétaire adjoint à la santé du ministère américain de la santé et des services sociaux, s’est exprimé en premier et a expliqué à l’auditoire : « 30 millions d’Américains ont le diabète et un sur 4 l’ignore. Les États-Unis consacrent 18 % du PNB aux soins de santé, soit 3,6 billions de dollars, et les maladies chroniques représentent l’essentiel de ces dépenses. »
Le Dr Giroir s’est exprimé à propos du rôle des États-Unis dans l’élaboration de directives de soins de santé au niveau mondial, ainsi que des directives américaines nouvelles et mises à jour en matière de nutrition et d’activité physique actuellement développées. « Nous pouvons réduire considérablement la mortalité toutes causes confondues moyennant environ 150 minutes d’activité physique et de renforcement musculaire par semaine. », a-t-il déclaré. La mise en place d’un système de modélisation au sein duquel les professionnels de la santé sont récompensés afin de mettre fin aux maladies chroniques constitue toutefois un élément central pour les États-Unis. « Nous sommes en train de passer d’un service de rémunération à l’acte à des soins basés sur la valeur. C’est un véritable tsunami qui secoue actuellement le système américain des soins de santé. Plutôt que de récompenser les gens parce qu’ils sont malades, nous allons les récompenser pour leur santé. Un changement durable est possible si vous accordez des remboursements de manière adéquate et formez correctement les médecins. Nous sommes convaincus que vous serez alors en relativement bonne santé. »
Stela Prgomelja (Serbie) et Lucas Xavier de Oliveira Brésil) ont abordé les réalités de la vie avec le diabète de type 1 (tous deux ont été diagnostiqués à l’enfance) et leur perception des MCV en tant que facteur de risque pour leur propre vie. Stela a raconté son parcours avec le diabète : le diagnostic précoce à l’enfance (1976), l’absence d’accès à l’insuline lors du conflit dans les Balkans et le développement de complications microvasculaires. Elle n’avait pas conscience de son risque de MCV jusqu’à ce que son médecin lui diagnostique une pression artérielle élevée et lui explique qu’elle avait eu un accident vasculaire cérébral.
« J’ignorais que j’avais déjà eu un accident vasculaire cérébral », a expliqué Stela au public. « Je n’ai pas pris conscience des symptômes, de sorte que je ne suis pas sûre de quand il s’est produit. » Aujourd’hui, Stela prend des mesures pour gérer son risque, mais prévient : « Les MCV sont silencieuses. Les gens doivent recevoir une éducation et discuter avec leur médecin », a-t-elle déclaré.
Lucas, étudiant en soins infirmiers à Sao Paulo, a vu son diabète de type 1 diagnostiqué à l’âge de 9 ans. Son père a fait une crise cardiaque alors que Lucas avait à peine 12 ans, mais Lucas n’a pas compris qu’il courait lui aussi le risque de développer une MCV, malgré les antécédents familiaux.
« Si je ne faisais pas des études d’infirmier, j’ignorerais tout de mon risque de MCV. » Lucas est également membres des Young Leaders in Diabetes (Jeunes leaders du diabète) de la FID et demandé l’organisation de campagnes de santé publique axées sur les jeunes. « Tous les jeunes d’aujourd’hui devraient comprendre les facteurs de risque de MCV, de façon à pouvoir introduire des changements dans leur vie avant qu’il ne soit trop tard. »
Une grande partie de la discussion s’est concentrée sur la présentation faite par M. Veli Auveinen, économiste au sein du ministère finlandais, concernant la taxation des aliments et boissons non sains, ainsi que du tabac, en Finlande. « En Finlande, nous appliquons des taxes ambitieuses en matière d’environnement et d’alimentation », a-t-il expliqué. « Par exemple, nous espérons mettre totalement fin au tabagisme d’ici 2030. » Il a toutefois précisé qu’il n’existait aucune donnée probante empirique montrant que les taxes sur les sucreries et les sodas contribuaient à l’amélioration de la santé publique. « Nous n’avons observé aucune diminution de la consommation », a-t-il expliqué.
Le Dr Sperling a posé la question suivante à l’assemblée – comment les politiques peuvent-elles informer le public ?
« Par la stimulation », a déclaré le Dr Giroir. « Les États-Unis ne soutiendront pas une taxe sur les boissons sucrées ou autres sucreries. Nous voulons encourager la population à poser les choix corrects. Mais l’éducation ne suffit pas. Nous savons que les changements de comportement sont limités par des déterminants sociaux. Si les gens vivent dans un désert alimentaire (2), rien ne pourra les aider dans la mesure où aucun choix ne s’offre à eux. »
Le dernier mot est revenu au Dr Rajeev Gupta, membre extraordinaire du Conseil de la WHF : « Il n’existe pas de solution universelle. 80 % des habitants de la planète ont accès à des soins de santé très limités. Nous devons faire ce qui est possible selon la région. »
Pour plus d’informations sur l’enquête Taking Diabetes to Heart de la FID, cliquez ici..
Références :
1. L’Assemblée mondiale de la santé est l’organe décisionnel de l’OMS. Elle est composée de délégations de tous les États membres de l’OMS et se concentre sur un programme de santé spécifique préparé par le Conseil exécutif. Les principales fonctions de l’Assemblée mondiale de la santé sont : arrêter la politique de l’Organisation, nommer le directeur général, contrôler la politique financière et examiner et approuver le projet de budget du programme. L’Assemblée mondiale de la santé se réunit chaque année à Genève, en Suisse.
2. Désert alimentaire : zone urbaine dans laquelle il est difficile de se procurer des aliments frais à prix abordable ou de bonne qualité.