Nouvelles et informations présentées par la Fédération internationale du Diabète

L’impact du langage associé au diabète

D'après les experts, les mots ont une très grande importance lorsque l'on s'adresse à une personne atteinte de diabète. Diabetes Voice a demandé à deux personnes de s'exprimer à ce sujet.



Language matters

D’après les experts, les mots ont une très grande importance lorsque l’on s’adresse à une personne atteinte de diabète. Les conseils publiés dans deux sources, Language Matters: Language and Diabetes (NHS, 11 juin 2018) et, The Use of Language in Diabetes Care and Education (American Association of Diabetes Educators (AADE) et Association américaine du diabète (ADA), 17 octobre 2017) recommandent aux prestataires de soins d’être attentifs aux termes employés et de faire montre de respect lorsqu’ils discutent du traitement du diabète et des résultats des tests avec leurs patients de façon à les encourager et à les motiver. Ces différents conseils visent à réduire toute négativité dans le langage utilisé par les cliniciens susceptible de déboucher sur des préjugés involontaires ou d’affecter le bien-être psychosocial de la personne concernée. D’après un article important publié en 2017, “Le langage influe sur la motivation, les comportements et les résultats des personnes atteintes de diabète ”.

Si l’on en croit les conseils dont question ci-dessus, le langage du diabète et la stigmatisation associée à des mots tels que contrôle, non compliant et diabétique (utilisé en tant que nom ou adjectif) ne se limitent pas à l’environnement des soins de santé ; ces termes sont fréquemment entendus et utilisés à la maison, au travail, dans les médias plus traditionnels et/ou sur les plateformes de réseaux sociaux. Dans le contexte de ce débat mondial, Diabetes Voice a demandé à deux personnes de s’exprimer à ce sujet. Betsy Rodríguez, qui vit avec le diabète, est infirmière, éducatrice en diabète, oratrice nationale et internationale sur des sujets liés au diabète, spécialiste biculturelle en stratégies de communication de santé et auteure. Elle occupe actuellement le poste de conseillère générale en santé publique au sein de la Translation Health Education and Evaluation Branch de la Division of Diabetes Translation (DDT), qui fait partie des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). De son côté Paul Sandells, un vlogger britannique, a vu son diabète de type 1 diagnostiqué en 1984. Leurs deux points de vue éclairent l’impact du langage utilisé dans le cadre du diabète.

Betsy Rodriguez
L’importance du langage lorsqu’il est question de diabète

Betsy Rodríguez

Vous êtes-vous jamais retrouvé du mauvais côté de la barrière à la clinique ou à l’hôpital, dans une situation où le langage utilisé pour décrire votre condition tenait de la critique et vous donnait l’impression d’être jugé, voire dépersonnalisé ? Je souffre de diabète et il m’est souvent arrivé d’être qualifiée de patiente diabétique ! À un moment donné, vous commencez à vous demander : depuis quand mon identité est-elle passée de personne atteinte de diabète ou de personne vivant avec le diabète à celle de patiente diabétique.

Les exemples de ce glissement de sens sont légion. En effectuant des recherches en ligne, vous tomberez peut-être sur un site Web parlant du pied diabétique – c’est là que je réalise que mes pieds sont eux aussi diabétiques ! Sur Internet, il est probable que vous passerez au site Web suivant dans les résultats de recherche. En revanche, dans un environnement clinique, deux options s’offrent à vous : a) vous adresser à une autre équipe de soins ou un autre médecin ou b) décider de continuer avec eux et vous efforcer de les sensibiliser, pour leur faire comprendre que le langage a son importance lorsqu’il est question de diabète !

Les mots sont une arme puissante que les équipes de soin peuvent utiliser pour encourager les personnes atteintes de diabète ou les démotiver.

En tant que personne atteinte de diabète, je ne suis pas définie par mon diagnostic. Le langage utilisé au sein de la communauté et du système de soins de santé fait l’objet d’un combat depuis des années. Ce combat ne se limite pas à la communauté du diabète, comme le montre le travail réalisé par les parents d’enfants atteints du syndrome de Down et la Global Down Syndrome Foundation au travers de sa campagne Words Can Hurt. Pour les personnes atteintes du syndrome de Down et leurs familles, la situation était loin d’être agréable. En effet, les personnes atteintes du syndrome étaient associées à des termes tels qu’idiot, débile et imbécile par la société et la profession médicale. Ces étiquettes sont aujourd’hui considérées comme politiquement incorrectes, blessantes et déshumanisantes.

Les mots sont une arme puissante que les équipes de soin peuvent utiliser pour encourager les personnes atteintes de diabète ou les démotiver.

Au sein de la communauté du diabète, la raison pour laquelle le langage a toute son importance pour les conseillers en santé, les professionnels de la santé et les personnes atteintes de diabète est liée à la nature du langage utilisé dans le cadre des soins du diabète, et dans les médias, ainsi qu’à la stigmatisation associée au langage lorsque le thème du diabète est abordé. En 2016, Diabetes Australia a publié une déclaration de position: A new language for diabetes: Improving communications with and about people with diabetes. (Position Statement: A new language for diabetes, 2011) Le but de cette déclaration est de renforcer la sensibilisation au langage qui entoure le diabète et d’identifier des possibilités d’améliorations. Pour Diabetes Australia, une communication optimale renforce la motivation, la santé et le bien-être des personnes atteintes de diabète. De plus, un langage irréfléchi ou négatif peut se révéler démotivant, est souvent imprécis et peut porter préjudice. L’année 2017 a vu la publication de The Use of Language in Diabetes Care and Education was published. (Jane K. Dickinson, 2017) Cette publication a offert à l’American Association of Diabetes Educators (AADE) de nombreuses possibilités de renforcement de la sensibilisation autour de la manière dont les professionnels de la santé parlent aux personnes atteintes de diabète ou de celles-ci ; du rôle essentiel joué par le langage dans l’engagement, la conceptualisation et la gestion du diabète, la réponse au traitement et le bien-être psychosocial. Un groupe de travail constitué de représentants de l’AADE et de l’Association américaine du diabète a convenu de développer ces directives en s’appuyant sur quatre principes directeurs:

  1. Le diabète est une condition complexe et difficile qui fait intervenir de nombreux facteurs et variables.
  2. L’adoption d’une approche respectueuse, inclusive et axée sur la personne permettra à tout membre de l’équipe de soins de répondre de manière plus efficace aux besoins des personnes atteintes de diabète.
  3. La stigmatisation associée de tout temps au diagnostic du diabète peut contribuer au stress et à un sentiment de honte et de réprobation.
  4. Un langage responsabilisant, qui place la personne au centre et s’appuie sur les points forts peut améliorer la communication et renforcer la motivation, la santé et le bien-être des personnes atteintes de diabète.

Étant atteinte de diabète depuis plus de 30 ans, je peux vous dire que vivre avec la condition est parfois accablant. Comme toutes les maladies chroniques, le diabète affecte tous les aspects de notre quotidien. Sa gestion va bien plus loin que la simple prise d’une pilule. Elle nécessite de prendre les repas à heures régulières, de vérifier sa glycémie et d’être attentif à son activité physique, tout cela dans le respect d’un plan de gestion personnalisé élaboré en concertation avec les professionnels de la santé.

L’heure est venue de réfléchir au langage du diabète et d’échanger des points de vue avec d’autres. Des messages d’espoir et de force contribueront à avancer sur la voie de l’objectif d’éradiquer la stigmatisation et de donner la priorité à la personne (Jane K. Dickinson, 2017).

Betsy Rodríguez, RN, MSN, DE est infirmière, éducatrice en diabète, oratrice nationale et internationale sur des sujets liés au diabète, spécialiste biculturelle en stratégies de communication de santé et auteure. Elle occupe actuellement le poste de conseillère générale en santé publique au sein de la Translation Health Education and Evaluation Branch de la Division of Diabetes Translation (DDT), qui fait partie des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Au sein du CDC, Mme Rodriguez propose une assistance technique et un soutien à des bénéficiaires d’aides d’État, à des organisations professionnelles nationales en lien avec le diabète, telles que l’Association américaine du diabète (ADA) et l’American Association of Diabetes Educators (AADE), ainsi qu’à des associations communautaires. Au niveau international, Mme Rodriguez apporte son aide technique et son soutien à la Fédération internationale du diabète (FID) et à la région SACA de la FID. Elle est également membre du réseau Blue Circle Voices de la FID.

Paul Sandells
Le terme diabétique ne me choque pas

Paul Sandells

Tout en soutenant Language Matters et en reconnaissant ses bienfaits, de manière générale, ce guide n’a pas réellement d’importance pour un diabétique aguerri comme moi. La manière dont je choisis de faire référence à ma condition et à ma gestion ne regarde que moi. Je souffre de diabète de type 1 depuis près de 34 ans. Je me suis toujours considéré comme un diabétique. C’est ce que clament mes profils sur les réseaux sociaux et le tatouage sur mon bras. Le terme « diabétique » ne me choque pas. Pour moi, ce mot ne me définit pas. En revanche, il constitue un pan important de ma vie.

J’estime que le langage utilisé dans l’environnement clinique est plus important, sans toutefois se montrer trop strict. Je tiens à savoir quand ma HbA1c n’est pas bonne et le fait que mon prestataire de soins la décrive comme « mauvaise » ou « trop élevée » ne me pose aucun problème. Je suis capable d’avaler cette information et de travailler dessus, sans faire la tête parce que j’ai obtenu une mauvaise note. J’attends de mon équipe clinique qu’elle se montre proactive et m’aide, ainsi que les autres personnes atteintes de diabète, plutôt que de marcher sur des œufs à cause de la terminologie qu’elle est censée utiliser.

Le langage est certes important, mais ma santé compte beaucoup plus que les mots que vous employez.

Cependant, la frontière est mince entre formuler des encouragements constructifs, voire des critiques, et tenir des propos carrément choquants. Je n’ai aucune envie de m’entendre dire un jour que je suis un « mauvais diabétique » ou une « mauvaise personne atteinte de diabète ». La deuxième formulation est d’ailleurs encore pire que la première à mes yeux ! Il est également hors de question de m’entendre qualifier de patient « non compliant ». Utilisés par un prestataire de soins, ces termes, et d’autres, sont extrêmement blessants. En fait, à moins qu’ils ne soient utilisés pour plaisanter entre amis, ces termes sont insultants quelle que soit la personne qui les utilise. Je suis conscient que nous sommes tous différents. Nous avons tous nos propres limites par rapport à ce qui nous blesse ou pas. Se sentir offensé, voire profondément contrarié, après un rendez-vous clinique n’est jamais une bonne chose dès lors que la gestion à long terme du diabète est en jeu.

Nous réagissons tous de manière différente à la façon dont un prestataire de soins nous aborde, à son langage corporel, à son engagement et à l’intérêt qu’il affiche pour notre condition. Ces différents aspects sont tout aussi importants que le langage. Il est fort probable que je serai beaucoup plus contrarié ou blessé si le prestataire de soins ne me regarde pas lorsque je lui parle, s’il n’est pas ouvert à mes questions ou s’il ne manifeste pas de réel intérêt pour mes soins. Je pense que c’est ce que font la grande majorité des prestataires de soins. Je ne veux pas être jugé de manière négative sur ma condition car je vis avec le DT1, mon DT1, chaque jour qui passe. Je suis différent du précédent patient que vous avez reçu et qui affichait une HbA1c de 6%. Ne me comparez pas à lui ni à aucun autre diabétique. Être comparé au « parfait » diabétique est beaucoup plus blessant à mes yeux que d’être qualifié de diabétique et, pour moi, c’est sur cet aspect des choses que devraient se concentrer les prestataires de soins lors des rendez-vous plutôt que d’avoir à s’inquiéter de la façon de me dire que ma HbA1c des 90 derniers jours est effroyable. Aidez-moi à gérer mon diabète du mieux possible, en fonction de mon mode de vie, et je serai un patient heureux. Le langage est certes important, mais ma santé compte beaucoup plus que les mots que vous employez.

Paul Sandells est un vlogger britannique atteint de diabète de type 1. Diagnostiqué en 1984, il est marié et père de deux enfants.@DiabeticDadUK

 

Elizabeth Snouffer est rédactrice de Diabetes Voice

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