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L’intimidation par la peur : la stigmatisation et le traumatisme du diabète en médecine

Avoir peur et être humilié dans le contexte des soins de santé peut avoir un effet durable, mais trouver les meilleurs prestataires de soins de santé fait partie de la vie avec le diabète.



Elizabeth Snouffer
Quarante-deux ans, c’est long à vivre avec le diabète de type 1, et même si je ne m’attends pas à des récompenses, je m’attends à du respect.

Une stigmatisation incompréhensible et terrible est associée au diabète.  Cette stigmatisation existait-elle en 1921 lorsque Frederick Banting a découvert l’insuline ?  Dans un premier temps, lorsque quelques enfants ont été sauvés (pas guéris), la communauté médicale scientifique a célébré cette découverte. Des prix Nobel ont été décernés. Les personnes atteintes de diabète et leurs familles étaient jugées courageuses et chanceuses que Banting et son équipe aient réussi à trouver une réponse à une sentence de mort précoce. 

Revenons à aujourd’hui : d’aucun pense que les personnes atteintes de diabète peuvent réussir, l’échec étant souvent imputé à leur propre faute.  Il va de soi que je ne partage pas cet avis. Un de mes médecins, Andrew Drexler, a déclaré il y a plusieurs décennies d’ici : « Je suis souvent surpris de la manière dont mes patients s’en sortent face à un traitement implacable, presque cruel ».  Le traitement du diabète, en particulier l’insulinothérapie, demande une très grande rigueur et est contraignant tant sur le plan physique que psychologique. 

L’intimidation par la peur :  la stigmatisation et le traumatisme du diabète en médecine

Elizabeth Snouffer

Et pourtant une stigmatisation mesquine perdure au sein et en dehors de la communauté du diabète : une condamnation à vie terrible où la personne est prise en pitié pour avoir développé le diabète, avant d’être jugée pour sa capacité à surmonter cette condition incurable.  Les personnes atteintes de diabète sont souvent jugées selon une notion de choix, comme si les individus concernés avaient conscience d’en faire un. Je voudrais changer cette vision des choses en abordant un problème rencontré au sein de notre communauté.

Les visites de routine chez le médecin sont l’une des contraintes les plus pénibles pour les personnes atteintes de diabète.  Les deux mots qui me viennent à l’esprit sont crainte et conséquences.  Une personne qui se prépare mentalement à une visite du diabète se demandera par exemple : « Vont-ils déceler une affreuse complication ? »  « Que faire si mes chiffres sont mauvais ? » ou encore « Ne serait-il pas préférable de ne pas y aller ? » Se préparer à un rendez-vous chez le médecin est souvent un exercice empreint d’appréhension et d’anxiété.

J’ai eu le malheur, à double titre, de voir mon diabète de type 1 diagnostiqué il y a plus de 40 ans. Le médecin des urgences m’a affirmé que je deviendrais sans doute aveugle, que je perdrais mes jambes et que je n’atteindrais probablement pas l’âge de 30 ans si je ne faisais pas mes injections.  « Elle ne pourra pas avoir d’enfants », a-t-il annoncé à ma mère tandis que je le regardais depuis mon lit d’hôpital. Du fait de mon jeune âge, je ne comprenais pas que son but était de me faire peur pour que je reste sur le droit chemin.  Cela a fonctionné, mais pas très bien.  L’avenir me terrifiait et j’ai fait des cauchemars pendant des années. Certes, je prenais mon insuline, mais je n’étais pas épanouie. Aujourd’hui encore, je me souviens qu’il a approché mon fauteuil roulant d’une fenêtre qui surplombait une clinique du diabète pour me montrer un homme amputé d’une jambe et une femme aveugle.  Il m’a demandé si je voulais finir comme eux.  La seule chose qu’a réussie ce médecin est de m’avoir traumatisée.

Même si cette terreur psychologique ne m’a jamais quittée, j’ai appris que trouver le bon médecin fait toute la différence.  Plus tard, alors que j’avais une vingtaine d’années, j’ai vu un médecin qui m’a dit que j’étais une mauvaise patiente diabétique et j’ai mieux réagi.  « Votre HbA1c est catastrophique », m’a-t-il dit. Honnêtement, je ne me rappelle plus qui a quitté la pièce en premier !  Cela a pris du temps, mais j’ai finalement trouvé des prestataires de soins qui me conseillent en permanence avec gentillesse. Mes équipes de soins de santé se sont montrées coopératives et amicales pendant des décennies, de sorte que je pensais que l’utilisation de « tactiques d’intimidation » et l’hostilité dans le cadre des soins du diabète avaient disparu avec le temps.

J’avais tort.

Vivre avec une maladie chronique grave et la gérer est très difficile et requiert une grande force intérieure, mais le diabète n'est pas un choix.

Récemment, j’ai pris rendez-vous chez un ophtalmologue pour un test de la rétinopathie.  Bien que je l’aie déjà rencontré par le passé, le médecin ne s’est pas adressé à moi par mon nom et ne m’a pas saluée que je suis entrée dans son bureau. Au lieu de cela, il a hurlé et fulminé tout en regardant les images de ma rétine sur le mur éclairé. « Vous souffrez d’une rétinopathie proliférative. Vos yeux vont éclater d’un jour à l’autre. Qu’est-ce que vous avez fait ? » Lorsque je lui ai demandé ce que je devais faire, il s’est approché de moi sur son tabouret jusqu’à quasiment toucher mon visage et a dit : « Si vous ne suivez pas mes consignes, vous vous réveillerez avec les yeux ensanglantés la semaine prochaine avant de perdre la vue. C’est sans espoir. »  Je savais que son comportement était totalement inapproprié, alors je lui ai demandé s’il savait depuis combien de temps j’avais le diabète et si « Me faire peur va-t-il m’aider ? ».

« Oui, je veux vous faire peur. » J’étais terrifiée par le diagnostic, son hostilité – par tout, mais j’ai réussi à me lever et à lui demander de sortir et d’aller chercher un responsable. Il est parti et je ne l’ai plus jamais vu ni entendu. Je ne suis certainement pas la première personne à avoir été molestée par ce médecin, mais je suis sûre d’avoir été la première à lui dire franchement.  Malheureusement, l’utilisation de tactiques d’intimidation pour influencer et humilier les patients jusqu’à ce qu’ils s’effondrent est toujours d’actualité.

Cette histoire a toutefois une fin heureuse.

Même si je savais qu’il était possible que j’aie développé une rétinopathie proliférative après 42 années de diabète, j’ai aussi eu le bon sens de me souvenir de ma résilience.  J’ai supporté un diagnostic de DT1 à plus de 1 400 mg/dl, fait mes propres injections d’insuline de bœuf et de porc pendant des années (en fonction des tests urinaires), ai une fille de 36 ans en bonne santé et travaillé suffisamment dur pour n’avoir toujours aucune complication aujourd’hui à 54 ans.  J’ai contacté mon équipe d’endocrinologues pour voir ce qu’ils me conseillaient.  « Cela n’a aucun sens, vos chiffres sont bons ; demandez un deuxième avis. » Et « même s’il y a un problème, nous trouverons une solution. »  J’ai pris rendez-vous pour le lundi suivant, mais j’étais complètement perdue, à vérifier mes yeux toutes les 15 minutes.  J’étais redevenue cette préadolescente au service des urgences qui se sentait dépassée et effrayée.

La bonne nouvelle est que je ne souffre pas de rétinopathie proliférative. Mes yeux sont même en relativement bon état.  Le deuxième médecin et l’équipe d’assistants présente pour apprendre et regarder ont gentiment répondu à toutes mes questions et m’ont aidée à comprendre mon diagnostic. S’il est clair que je peux pardonner au médecin incriminé son erreur de diagnostic (j’ai un problème congénital bénin derrière l’œil droit), ses propos insultants sont en revanche inexcusables à mes yeux. Il n’a pas respecté le serment d’Hippocrate.

Avant tout, ne pas nuire.

On peut malheureusement supposer qu’une partie de la stigmatisation du diabète trouve son origine dans la communauté médicale et des décennies de frustration des médecins à l’égard de patients qui n’ont pas réussi à refléter leurs compétences cliniques et, au final, leur réussite.  La médecine est une profession souvent exigeante, qui nécessite discipline, force et compassion, mais c’est un choix.  Vivre avec une maladie chronique grave et la gérer est très difficile et requiert une grande force intérieure, mais le diabète n’est pas un choix.

Une partie de la vie avec le diabète consiste à trouver un soutien médical pour vous aider à atteindre vos objectifs.  Il n’y a aucune raison que l’on se sente effrayé ou humilié dans le cabinet d’un prestataire de soins, car cela peut déboucher sur un traumatisme horrible, qui vous paralyse.  Une telle attitude est en outre irresponsable. Défendre sa propre cause, s’exprimer quand quelque chose ne semble pas normal, poser des questions et se battre pour obtenir les meilleurs soins possibles sont autant d’éléments qui conduisent à l’autonomie personnelle, à la confiance en soi et, surtout, à une vie plus saine et plus épanouie.

Et ça, c’est aujourd’hui un choix.

 

Elizabeth Snouffer est rédactrice de Diabetes Voice

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