L’importance du langage lorsqu’il est question de diabète
Betsy Rodríguez
Vous êtes-vous jamais retrouvé du mauvais côté de la barrière à la clinique ou à l’hôpital, dans une situation où le langage utilisé pour décrire votre condition tenait de la critique et vous donnait l’impression d’être jugé, voire dépersonnalisé ? Je souffre de diabète et il m’est souvent arrivé d’être qualifiée de patiente diabétique ! À un moment donné, vous commencez à vous demander : depuis quand mon identité est-elle passée de personne atteinte de diabète ou de personne vivant avec le diabète à celle de patiente diabétique.
Les exemples de ce glissement de sens sont légion. En effectuant des recherches en ligne, vous tomberez peut-être sur un site Web parlant du pied diabétique – c’est là que je réalise que mes pieds sont eux aussi diabétiques ! Sur Internet, il est probable que vous passerez au site Web suivant dans les résultats de recherche. En revanche, dans un environnement clinique, deux options s’offrent à vous : a) vous adresser à une autre équipe de soins ou un autre médecin ou b) décider de continuer avec eux et vous efforcer de les sensibiliser, pour leur faire comprendre que le langage a son importance lorsqu’il est question de diabète !
Les mots sont une arme puissante que les équipes de soin peuvent utiliser pour encourager les personnes atteintes de diabète ou les démotiver.
En tant que personne atteinte de diabète, je ne suis pas définie par mon diagnostic. Le langage utilisé au sein de la communauté et du système de soins de santé fait l’objet d’un combat depuis des années. Ce combat ne se limite pas à la communauté du diabète, comme le montre le travail réalisé par les parents d’enfants atteints du syndrome de Down et la Global Down Syndrome Foundation au travers de sa campagne Words Can Hurt. Pour les personnes atteintes du syndrome de Down et leurs familles, la situation était loin d’être agréable. En effet, les personnes atteintes du syndrome étaient associées à des termes tels qu’idiot, débile et imbécile par la société et la profession médicale. Ces étiquettes sont aujourd’hui considérées comme politiquement incorrectes, blessantes et déshumanisantes.
Au sein de la communauté du diabète, la raison pour laquelle le langage a toute son importance pour les conseillers en santé, les professionnels de la santé et les personnes atteintes de diabète est liée à la nature du langage utilisé dans le cadre des soins du diabète, et dans les médias, ainsi qu’à la stigmatisation associée au langage lorsque le thème du diabète est abordé. En 2016, Diabetes Australia a publié une déclaration de position: A new language for diabetes: Improving communications with and about people with diabetes. (Position Statement: A new language for diabetes, 2011) Le but de cette déclaration est de renforcer la sensibilisation au langage qui entoure le diabète et d’identifier des possibilités d’améliorations. Pour Diabetes Australia, une communication optimale renforce la motivation, la santé et le bien-être des personnes atteintes de diabète. De plus, un langage irréfléchi ou négatif peut se révéler démotivant, est souvent imprécis et peut porter préjudice. L’année 2017 a vu la publication de The Use of Language in Diabetes Care and Education was published. (Jane K. Dickinson, 2017) Cette publication a offert à l’American Association of Diabetes Educators (AADE) de nombreuses possibilités de renforcement de la sensibilisation autour de la manière dont les professionnels de la santé parlent aux personnes atteintes de diabète ou de celles-ci ; du rôle essentiel joué par le langage dans l’engagement, la conceptualisation et la gestion du diabète, la réponse au traitement et le bien-être psychosocial. Un groupe de travail constitué de représentants de l’AADE et de l’Association américaine du diabète a convenu de développer ces directives en s’appuyant sur quatre principes directeurs:
- Le diabète est une condition complexe et difficile qui fait intervenir de nombreux facteurs et variables.
- L’adoption d’une approche respectueuse, inclusive et axée sur la personne permettra à tout membre de l’équipe de soins de répondre de manière plus efficace aux besoins des personnes atteintes de diabète.
- La stigmatisation associée de tout temps au diagnostic du diabète peut contribuer au stress et à un sentiment de honte et de réprobation.
- Un langage responsabilisant, qui place la personne au centre et s’appuie sur les points forts peut améliorer la communication et renforcer la motivation, la santé et le bien-être des personnes atteintes de diabète.
Étant atteinte de diabète depuis plus de 30 ans, je peux vous dire que vivre avec la condition est parfois accablant. Comme toutes les maladies chroniques, le diabète affecte tous les aspects de notre quotidien. Sa gestion va bien plus loin que la simple prise d’une pilule. Elle nécessite de prendre les repas à heures régulières, de vérifier sa glycémie et d’être attentif à son activité physique, tout cela dans le respect d’un plan de gestion personnalisé élaboré en concertation avec les professionnels de la santé.
L’heure est venue de réfléchir au langage du diabète et d’échanger des points de vue avec d’autres. Des messages d’espoir et de force contribueront à avancer sur la voie de l’objectif d’éradiquer la stigmatisation et de donner la priorité à la personne (Jane K. Dickinson, 2017).
Betsy Rodríguez, RN, MSN, DE est infirmière, éducatrice en diabète, oratrice nationale et internationale sur des sujets liés au diabète, spécialiste biculturelle en stratégies de communication de santé et auteure. Elle occupe actuellement le poste de conseillère générale en santé publique au sein de la Translation Health Education and Evaluation Branch de la Division of Diabetes Translation (DDT), qui fait partie des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Au sein du CDC, Mme Rodriguez propose une assistance technique et un soutien à des bénéficiaires d’aides d’État, à des organisations professionnelles nationales en lien avec le diabète, telles que l’Association américaine du diabète (ADA) et l’American Association of Diabetes Educators (AADE), ainsi qu’à des associations communautaires. Au niveau international, Mme Rodriguez apporte son aide technique et son soutien à la Fédération internationale du diabète (FID) et à la région SACA de la FID. Elle est également membre du réseau Blue Circle Voices de la FID.